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Publié par Orbe

A l’heure du grand questionnement sur le rôle du cdi et du professeur documentaliste, j’ai choisi d’y répondre par l’action. Titulaire du Capes documentation depuis 1994, j’ai exercé ma profession dans cinq Académies différentes et  sept établissements du petit collège au grand lycée polyvalent, de l’établissement bourgeois  à celui de Barbès, de la ville à la campagne.

A la diversité de situation, du cdi grenier à l’immensité des cdi modernes,  répondons par la diversité de l’action.  Un seul objectif à poursuivre, au-delà des compétences info documentaires et  de la nécessaire politique, le besoin de l’élève.

Nous avions sur le créneau de 11h-11h40 une majorité d’élèves de 5ème en étude. C’est une période où les enfants sont très nombreux en permanence et où il est difficile de se mettre au travail tant la pression du nombre, la durée de l’appel et l’attente de la cantine sont des freins à tout bon vouloir.

 J’ai donc proposé, après les vacances de Toussaint, au chef d’établissement, d’accueillir au cdi une vingtaine de ces élèves afin d’organiser et mettre en place un tutorat entre eux. L’idée était de cibler des élèves ayant des difficultés dans certaines matières et de les amener à mettre en œuvre un travail efficace. Mon principal a immédiatement adhéré au projet et les élèves aussi.

J’ai commencé par mener une enquête auprès de leurs enseignants afin de cibler les élèves à fort risque de décrochage. Puis classe par classe, petit groupe par petit groupe, j’ai appelé ces élèves au cdi pour leur présenter le projet et demander leur accord. Un très petit nombre d’élèves a refusé de participer au projet.  

La quinzaine d’élèves choisis ont certainement appréciés dans un premier temps de pouvoir venir directement sans passer par le stress et le bruit de l’étude.  Mais leur motivation première était de pouvoir travailler entre eux ! 

Pour faciliter la mise au travail qui était mon objectif principal dans un premier temps, j’ai autorisé les élèves à prendre leur sac avec eux. Il s’agissait d’éviter les trop nombreux allers et retours d’enfants en manque de concentration et d’organisation ! Les élèves ont perçu cela comme un privilège et une marque de confiance puisque laisser son sac à l’entrée est toujours vu comme une suspicion de vol.

Les élèves ciblés ont eux-mêmes choisi leur « tuteur ». Parfois le « couple » a éclaté, d’autre fois il est resté soudé. Parfois les enfants ont choisi la complémentarité, d’autre fois ils se sont appariés avec un élève ayant les mêmes problèmes. Tout cela est encore en gestation. Je n’ai jamais parlé de bons ou mauvais élèves en leur présentant le projet. Je leur ai simplement proposé d’acquérir à deux des nouvelles méthodes de travail à partir d’une auto réflexion au sein du groupe. D’ailleurs la majorité des binômes qui fonctionnent sont plutôt composés d’élèves dits faibles ou ayant des problèmes de comportement.

Une élève brillante est repartie rapidement vers l’étude car elle préférait discuter en étude. Un autre à demander à rester alors qu’il  voulait ne  plus travailler avec son camarde. Certains groupes d’élèves sans difficulté scolaire tentent périodiquement d’intégrer le tutorat. La réponse est au cas par cas en fonction du nombre d’élèves présents et du travail à effectuer.

 

Dans tous les cas la règle est simple : on ne vient que si on souhaite travailler pendant toute la durée du créneau, soit de 11h à 11h40. C’est une période qui peut paraître relativement courte et qui en fait est longue pour ces élèves en manque de concentration ou d’assurance. Lorsqu’un élève vient me dire qu’il a « fini », je lui demande de me montrer son cahier de texte pour qu’on regarde ensemble dans qu’elle petite activité il pourrait encore s’investir, ou je lui propose de me montrer une évaluation dont il n’est pas satisfait pour que l’on regarde ensemble comment il peut s’améliorer.

Bien sûr avec vingt élèves en moyenne, le travail ne s’effectue pas dans un silence total, mais peu de gens travailleront demain dans un caisson insonorisé et autant apprendre à se mobiliser dans des conditions plus réalistes, sachant que chez eux, d’excellents élèves font leurs devoirs tout en écoutant de la musique et en répondant à ses messages. Ce qui nous heurte n’est que leur monde à eux. En cas de bruits importants il suffit de rappeler qu’il est interdit de gêner ses voisins sous peine de se voir exclus du projet pour que le calme revienne !

La plupart des élèves viennent de façon très régulières et passent s’excuser lorsqu’ils n’ont pas pu être présents… Certains viennent en dilettante c’est-à-dire quand ils y pensent ou quand ils en ont le plaisir. Un d’eux va passer en conseil de discipline pour une bagarre avec un autre élève.

Les autres élèves ont parfois demandé pourquoi ils ne pouvaient pas aller au tutorat. J’ai expliqué que nous ne pouvions pas accepter tout le monde au cdi sur ce créneau  et que nous avions ciblé des enfants qui devaient acquérir de meilleurs méthodes de travail, que le cdi est par ailleurs ouvert à toutes les récréations et sur tout le temps de midi. Le professeur documentaliste mange entre 13h30 et 14h.

Alors, quel rôle pour le professeur documentaliste ? Amener les élèves vers le travail plaisir ! Je suis en quelque sorte leur poisson pilote, je vais de groupe en groupe, je m’assure qu’ils ont sorti leur cahier de texte, leur travail et qu’ils avancent dans leur apprentissage. Je suis leurs résultats. Je les interroge sans jamais être négative. Comment ont-ils appris leur leçon ? A quel moment de la journée ? Par quelle méthode ? Est-ce que cela a été facile ? Est- ce que cela a été efficace ? Quelle autre manière pourrait-il tester ? Et comment fait son camarade ?

Où sont les compétences info documentaires ? Elles sont partout ! Dans la tenue du cahier de texte, dans la compréhension de l’énoncé, dans la restitution de l’information, dans la recherche d’un site, dans le recours aux usuels… C’est parce que nous sommes enseignants que nous devons être, plus que dans des contenus figés, dans l’apprendre à apprendre !

Mais cela demande de l’énergie, de la volonté et la foi. L’élément primordial reste cependant le plaisir. Plaisir de voir cette élève qui n’avait jamais réussi à prendre la parole en classe présenter un exposé, plaisir d’entendre le soulagement de l’élève qui découvre que même si elle n’est pas contente ou certaine à 100%  elle a intérêt à écrire une réponse. Plaisir  du professeur qui apprend…
L’infirmière doit investir une séance pour parler avec les élèves du stress… L’aventure continue.

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