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Publié par M.Utéza

Le CDI, un levier d’inclusion

Le centre de documentation et d’information est un lieu. Sa vocation est d’accueillir, de rassembler mais aussi d’inclure. C’est-à-dire de faire en sorte que chacun puisse se sentir faire partie et être acteur d’un ensemble qui est la communauté scolaire.

Or, le constat est parfois fait que le CDI est un lieu facile à trouver et à exploiter principalement pour les élèves qui ont déjà les codes de la scolarité et un capital culturel important. Par ceux qui, justement, n’ont pas le plus besoin de nous. Dès lors, comment faire pour que ce lieu unique dans l’établissement, puisse devenir un moyen d’intégrer et d’englober les plus éloignés du système scolaire afin de les rapprocher des attendus scolaires et de la société ?

Il peut s’agit aussi bien d’enfants porteurs de handicap, d’enfants en difficulté scolaire que de jeunes en mal être personnel et ou familiale. Comment faire non pas seulement pour ne pas les exclure mais pour les inclure véritablement dans un projet de vie en collectivité et d’ouverture culturelle ?

Dans cet article je vous propose de partager quelques pistes. Mon travail dans des établissements nombreux et variés m’a beaucoup enrichi, tant au niveau de la pratique professionnelle que personnellement. Notamment les enfants de famille nomade en partie sédentarisés dans le Puy-de-dôme ou encore les 354 élèves de 56 nationalités différentes rencontrés dans le quartier de Barbés à Paris. Chaque lieu m’a ouvert des portes et permis de belles rencontres humaines et renforcé les gestes professionnels.

Si nous reprenons le constat de départ, il est honnête de signaler que ces élèves peuvent facilement nous être réellement insupportables. Ils sont souvent bruyants, promptes à trouver les pires bêtises, propices aux dégradations et parfois même mal odorants. À l’inverse, certains ont tendance à se terrer dans un coin pour se faire oublier tant ils sont rejetés voire harcelés dans les autres parties communes de l’établissement. Comme cette toute jeune mal voyante qui passait la plupart de son temps de midi à sillonner un livre à la main le CDI tout en laissant derrière elle le rayon dévasté par son impossibilité à remettre correctement les livres en place. Ou encore ce jeune étiqueté surdoué à partir d’un test et adepte de farce en tout genre dont celle de retourner tous les livres des rayonnages.

Alors comment faire pour adapter le lieu du CDI et amener chacun à trouver sa place ?

Le CDI, un levier d’inclusion

La Porte

Il me semble que le premier point est de laisser la porte ouverte au premier sens du terme. Ces enfants sont, la plupart du temps, poussés vers l’extérieur, de la classe mais aussi des parties communes. Quand ils voient une porte ils ne vont pas d’eux-mêmes la franchir, et même ouverte, nous les voyons souvent hésiter devant le palier. Reste à les attirer dans le lieu avant de tenter de les conserver et d’en faire des utilisateurs réguliers du lieu.

Les appâts

Pourquoi vient-on au CDI ? Le règlement évoque en général la lecture et le travail comme cause légitime pour rentrer au CDI. Mais c’est oublier que certains ne savent faire ni l’un ni l’autre. Pourtant nous pouvons espérer les amener à découvrir progressivement ces mondes avec des appâts, progressivement.

Le CDI, un levier d’inclusion

Ce peut être à partir de jeux simples comme les dames, puissance quatre ou encore le jeu du pendu mais aussi avec des livres qui proposent pas ou très peu de textes comme certaines bandes dessinées.  Un piano électrique peut aussi compléter et varier l’offre proposée et attirer d’autres usagers. 

La mise en place d’animations peut aussi contribuer à élargir le public. C’est le cas par exemple de séances cinéma en lien par exemple avec les propositions institutionnelles. Ou encore la mise en place de clubs ponctuels thématiques par les élèves, par le professeur documentaliste ou encore par des intervenants ponctuels. 
Ce fut le cas l’an dernier avec la venue d’une stagiaire en Lettres qui a souhaité s’investir dans des propositions de découverte du théâtre avec des élèves volontaires sur leurs temps libres en parallèle de projets menés dans les classes.

Le CDI, un levier d’inclusion

L’attention

 

Elle passe par la manière d’accueillir le public, de souhaiter la bienvenue à ceux qui rentrent et bonne journée à ceux qui s’en vont. Ce qui demande souvent d’alterner les temps de bureau avec les temps dans le CDI avec les élèves. Il y a aussi l’importance à accorder à celui qui entre avec sa souffrance et que nous repérons à son allure ou son isolement et qu’il ne faut pas manquer d’interroger, d’écouter.

Il est possible ainsi de mettre en valeur ceux qui sont les plus isolés en leur proposant de réaliser des tâches au bureau. Ou encore de se servir de leurs compétences personnelles comme le goût pour le dessin qui peut être exploité pour la réalisation de signalétiques, d’affiches…

Le CDI, un levier d’inclusion

Le corps

Certains jeunes ont du mal à se concentrer et à ne pas bouger, c’est parfois un élément d’exclusion des lieux calmes que sont les centres de documentation. l y a plusieurs manières de tenter de les garder au plus près des rayonnages et des expositions que nous faisons vivre. La signalétique, thématique et imagée, comme ci-dessous peut contribuer aussi à cet effort d’intégration en simplifiant la cotation, en utilisant l’image et en regroupant les livres par thèmes plutôt que par auteurs. Les élèves eux-mêmes peuvent contribuer à son installation en regroupant les livres ou encore en installant les étiquettes sur les livres. Même quand ils ne lisent pas ils sont souvent fiers d’avoir contribué à cette mise en valeur.

En incluant aussi du mobilier spécifique qui contribue ces élèves à venir. Ainsi les balles pour s’asseoir ou encore les tabourets d’équilibre rencontrent un grand succès. Il faut toutefois préciser qu’il ne faut pas laisser un enfant toute une heure sur ce genre d’assise mais bien limiter l’utilisation à un temps bref d’environ 20 minutes. Il est judicieux alors de placer ce matériel au “bon endroit”, c’est-à-dire à un endroit visible et qui oblige à s’installer à côté d’un autre élève par exemple.

Ensuite en proposant aussi des activités debout. Ce peut être des décorations de fenêtre par exemple pour les artistes en herbe ou encore ce projet de restituer sur surface vitrée la course
 du Vendée  globes. Ce qui est encouragé c’est aussi ainsi le travail collectif avec le pouvoir d’attraction de ces activités envers un public varié d’élèves. Ce peut être le cas avec une chauffeuse qui va être partagé par des élèves au profil différent, des jeux de société, un puzzle collaboratif ou encore avec des outils numériques. Ou la présence d’un agrandisseur  pour  les  mal  voyants  à côté  des  ordinateurs. Ou encore en les laissant s’approprier les escaliers et les recoins et en mettant en place des lieux différencié. 

La pédagogie

Or, les élèves à inclure sont souvent seuls. Une des pistes est donc de les relier aux autres dans la lignée du socio-constructivisme et du connectivisme. Cela peut être fait lors d’un travail à faire, d’un devoir en alliant des compétences ou encore en introduisant des médiateurs externes. Ce peut être aussi dans l’attribution de rôles spécifiques lors d’une séance. Que ce soit gardien du temps qui le met en valeur et lui donne un regard sur l’ensemble de la séance ou encore scribe lors de la restitution. Si certains enfants ont du mal à écrire, la tenue d’un crayon ou feutre pour tableau blanc reste souvent un attrait. C’est le cas aussi lorsque nous constituons des groupes mixtes et nommons responsables de groupes ces élèves.

Ou encore quand nous proposons un support commun à compléter par groupe ou quand la scénarisation de la séance prévoir la possibilité à chacun à s’exprimer. Les compétences développées sur le temps libre en matière d’autonomie ou de confiance en soi seront autant d’atouts pour réussir leur scolarité. 

Le CDI, un levier d’inclusion

Conclusion

Dans ces temps difficiles, il s’agit aussi de se recentrer sur l’humain. L’objectif principal est le respect de chacun et le développement de l’autonomie.  Et pour cela le plus efficace est de partir de l’idée que chacun a aussi des compétences et des richesses à partager et peut -être accompagné pour trouver sa place et même être valorisé par des petites actions et des petits gestes. Ce travail s’effectue sur un temps long, avec des gestes professionnels. Il est aussi important de réfléchir à ce questionnement avec les élèves et de commencer par poser un diagnostic objectif car chaque établissement est particulier.

Il faut aussi être conscient que cet axe de travail est un choix et qu’il se fait par moment en laissant au second plan  d’autres tâches. Il s’agit donc de prioriser en permanence entre les différents axes de mission tout en tentant de les laisser au maximum entremêlés afin de n’en oublier aucun. Cela demande fortement d’impliquer tous les élèves dans l’ensemble de ces axes pédagogiques, culturels et de gestion. Le rôle du professeur documentaliste comme enseignant et formateur me semble plus que jamais nécessaire dans les établissements scolaires.

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